Lettre ouverte au Béjart Ballet Lausanne et au Ballet du Grand Théâtre de Genève
Categories: Boycott culturel
Pourquoi les ballets de Lausanne et de Genève dansent-ils avec l'apartheid ?
Nous apprenons que le Béjart Ballet Lausanne (BBL) et le Ballet du Grand Théâtre de Genève (GTG) sont à l'affiche de l’actuelle saison danse de l'Opéra de Tel Aviv (Israel Opera). Dans une lettre ouverte, le mouvement BDS en Suisse souhaite attirer l'attention sur l'incongruité de voir deux ambassadrices culturelles de la Suisse se compromettre auprès d’un régime d’occupation et d’apartheid.
Update, 22 octobre 2016
Les deux groupes de danse refusent d'adhérer à l'appel
Le mercredi 12 octobre, le journal Le Courrier a publié un très bon article de Rachad Armanios sur les suites de la lettre ouverte adressée par BDS aux ballets de Genève et de Lausanne. L'article reprend les arguments de la lettre ouverte et commente les réactions qu'elle a entraînée. Nous vous invitons à le lire en cliquant sur ce lien. Un Blog de La Tribune de Genève aussi rapporte cette décision
Voici une list de réactions dans la presse.
Lettre ouverte au Béjart Ballet Lausanne et au Ballet du Grand Théâtre de Genève et FAQ sur le boycott culturel envoyés le 28 septembre 2016:
Mesdames, Messieurs,
Nous apprenons que le Béjart Ballet Lausanne (BBL) et le Ballet du Grand Théâtre de Genève (GTG) sont à l'affiche de l’actuelle saison danse de l'Opéra de Tel Aviv (Israel Opera).1
Par la présente, le mouvement BDS en Suisse souhaite attirer votre attention, et celle des autorités des villes de Lausanne et de Genève, sur l'incongruité de voir deux ambassadrices culturelles de la Suisse se compromettre auprès d’un régime d’occupation et d’apartheid. Ne tarissant pas d’éloges au sujet de votre réputation, le pouvoir israélien compte bien profiter de votre prestige pour faire briller sa devanture. Pourtant, des organisations palestiniennes représentatives des travailleuses et travailleurs de la culture ont appelé, à partir de 2004, les artistes à refuser de collaborer avec les institutions culturelles israéliennes, en signe de solidarité avec leur lutte pour la liberté.2 En 2006, les artistes palestinien-ne-s elles/eux-mêmes ont appelé les artistes conscient-e-s de partout dans le monde à boycotter les manifestations culturelles israéliennes.3 Nous pensons que les danseuses et danseurs du BBL et du GTG devraient être informé-e-s de cela et de l’aventure dans laquelle vous les embarquez, c’est pourquoi nous vous prions de leur faire parvenir cette lettre.
La ville où vous danserez, Tel Aviv, est à moins de 20 km de la Cisjordanie où, derrière un mur de séparation de 700 km et des dizaines de checkpoints, vivent enfermé-e-s des centaines de milliers de Palestinien-ne-s. Elles/ils ne pourront pas assister à vos représentations, parce que leur liberté de mouvement est entravée. À l'intérieur de ce territoire palestinien occupé, la colonisation israélienne se poursuit sous protection militaire. Des soldat-e-s, au volant d'imposants bulldozers détruisent en toute impunité maisons, écoles, champs, aires de jeux pour enfants, des infrastructures souvent financées par l’Union européenne.4 Et l’eau (cette substance dont les danseuses et danseurs connaissent tant les bienfaits), dans les Territoires palestiniens occupés, elle est entièrement contrôlée par les autorités israéliennes, qui ouvrent ou ferment les sources à leur guise.5 L’État d’Israël est régulièrement condamné pour ses violations des droits humains et pour son attitude inacceptable en matière de droit humanitaire. Il se moque des appels à respecter la Quatrième Convention de Genève cependant que la communauté internationale baisse les yeux.6
Chaque année, des artistes palestinien-ne-s se voient refuser le droit de sortir de Gaza ou de Cisjordanie, comme le performeur Khaled Jarrar, empêché par les autorités israéliennes de présenter son travail au New Museum de Manhattan.7
Avec 18'000 abonné-e-s, l'Opéra de Tel Aviv reçoit chaque année 7,4 millions de dollars de fonds gouvernementaux sur un budget de 26,4 millions, alors que les subventions publiques à la vie culturelle des Palestinien-ne-s de l'État israélien (1,5 million) plafonnaient, dans le dernier budget de l’État, à 2,5 millions de dollars : 7,4 millions pour 18'000 fans de culture occidentale contre 2,5 millions pour l’ensemble dela vie culturelle de 20% de la population de l’État israélien. 8 9 Ces chiffres donnent un aperçu du mépris social et raciste que le régime voue aux citoyen-ne-s palestinien-ne-s de l'État israélien depuis près de 70 ans. « Une majorité désespérément déterminante dans le pays [Israël] ne reconnaît pas à l’Arabe le droit de vivre », observait il y a deux ans l'écrivain Sayed Kashua en quittant définitivement Jérusalem pour partir en exil.10 « Nous avons tous deux la citoyenneté israélienne », mais « nous ne sommes pas traités de la même manière », expliquaient l'activiste Ronnie Barkan et l'acteur Saleh Bakri, l'année dernière au Festival du film de Locarno.11 Dans ces conditions, un artiste de l'étranger qui se produit dans une institution culturelle israélienne, participe consciemment ou candidement à la consolidation de ce régime.
Les tournées en Israël du Béjart Ballet Lausanne et du Ballet du Grand Théâtre de Genève coïncident, de surcroît, avec l'une des périodes les plus sombres pour la liberté d'expression. Le pouvoir israélien multiplie les menaces et les projets de lois contre les associations de défense de droits humains. Comme le constate Chen Tamir, curatrice du Center for Contemporary Arts de Tel Aviv, les artistes israélien-ne-s s'exposent à la suppression de leurs subventions publiques si leurs œuvres ne sont pas « dans la ligne du gouvernement ».12 Aujourd'hui, le parlement israélien est saisi d'un projet de loi sur le « loyalisme culturel », qui sanctionnerait toute critique contre l'État.13 Bref, le Béjart Ballet et le Ballet du Grand Théâtre arrivent en Israël au moment où la contestation est poursuivie et la critique suspecte. Seules les formes lisses et les contenus anodins sont les bienvenus.
Pourquoi, dans ces conditions, le Béjart Ballet Lausanne et le Ballet du Grand Théâtre de Genève honorent-ils de leurs chaussons un système d'apartheid ? De la part d’institutions de cette importance, on peut souhaiter une meilleure conscience des enjeux politiques dans l’organisation des tournées, alors qu’elles sont largement subventionnées pour projeter dans le monde l’image de marque des villes de Lausanne et de Genève, et non pas pour les desservir.
Personne n'est à l'abri d'une erreur de jugement, mais on peut aussi éviter d'y persister. En 1984, alors que des milliers d'artistes dans le monde se rangeaient du côté du peuple sud-africain et boycottaient les paillettes de l'apartheid, le groupe Queen s'était produit à Sun City, au grand ravissement du régime raciste blanc.14 Il en va ainsi aussi de l'apartheid israélien. Depuis une dizaine d’années des milliers d’artistes et des travailleuses et de travailleurs de la culture dans le monde, et également en Suisse, défient le régime en adhérant à l'appel au boycott culturel lancé par leurs collègues palestinien-ne-s.15 16 17 En 2016, votre tour est arrivé, Mesdames et Messieurs du Béjart Ballet Lausanne et du Ballet du Grand Théâtre de Genève, de vous engager du côté de la liberté et de la justice. Prenez le temps d’étudier la documentation que nous portons à votre attention. Nous restons à votre disposition pour toute demande d’information complémentaire.
Veuillez recevoir, Mesdames, Messieurs, nos salutations cordiales.
BDS Suisse
Annexe: FAQ sur le boycott culturel en français
Lettre ouverte et FAQ en allemand
Lettre ouverte et FAQ en anglais
Lettre ouverte en italien
Références
1 The Israeli Opera Tel-Aviv-Yafo, Dance season 2016-17 http://www.israel-opera.co.il/eng/?CategoryID=810
2 Call for Academic and Cultural Boycott of Israel (Ramallah, July 4, 2004) http://pacbi.org/pacbi140812/?page_id=2555
3 Palestinian Filmmakers, Artists and Cultural Workers Call for a Cultural Boycott of Israel (August 4, 2006) http://www.pacbi.org/etemplate.php?id=315
4 « Cisjordanie : les bulldozers israéliens ne chôment pas » (Danièle Kriegel; Le Point, 15 avril 2016)http://www.lepoint.fr/monde/cisjordanie-les-bulldozers-israeliens-ne-choment-pas-15-04-2016-2032637_24.php
5 « Israel’s hydro-apartheid keeps West Bank thirsty » (Charlotte Silver, The Electronic intifada, August 1, 2016) https://electronicintifada.net/blogs/charlotte-silver/israels-hydro-apartheid-keeps-west-bank-thirsty
6 Israël, l’éternel dissident international (Jean-Claude Woillet, Mediapart, 12 août 2014) https://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/120814/israel-leternel-dissident-international
7 « The Palestinian Artist Trapped in the West Bank: ‘Every Minute, for Me, Was Like a Knife in My Heart.’ » (Justin Jones; The Daily Beast, July 16th, 2014) http://www.thedailybeast.com/articles/2014/07/16/the-palestinian-artist-trapped-in-the-west-bank-every-minute-for-me-was-like-a-knife-in-my-heart.html
8 « Hanna Munitz stepping down as Israel Opera director » (Helen Kaye, The Jerusalem Post, March 28, 2016) http://www.jpost.com/Israel-News/Culture/Hanna-Munitz-stepping-down-as-Israel-Opera-director-449466
9 « Culture minister to double budget for Arab sector » (The Times of Israel, March 10, 2016) http://www.timesofisrael.com/culture-minister-to-double-budget-for-arab-sector/
10 « Toutes les raisons pour lesquelles je quitte Israël » (Sayed Kashua, Libération (Tribune), 15 juillet 2014) http://www.liberation.fr/planete/2014/07/15/toutes-les-raisons-pour-lesquelles-je-quitte-israel_1064343
11 Vidéo « Press Vidéo conference: Cooperation of Festival del Film Locarno with Israel Film Fund » (Teatro dei Fauni, Locarno, August 7, 2015) https://www.youtube.com/watch?v=D0BHDo1_6fs
12 « Censorship in Israel » (Chen Tamir, Guggenheim UBS Map, may 2016), https://www.guggenheim.org/blogs/map/censorship-in-israel
13 « Israël à l'heure de l'inquisition » (Charles Enderlin, Le Monde diplomatique, mars 2016) http://www.monde-diplomatique.fr/2016/03/ENDERLIN/54916 ; Lire aussi « Israël s’attaque à la culture non patriotique » (Serge Dumont; Le Temps, 10 juin 2015) https://www.letemps.ch/monde/2015/06/10/israel-s-attaque-culture-non-patriotique
14 Vidéo : « Freddie Mercury and Queen arriving at Jan Smuts South Africa (Sun City) » https://www.youtube.com/watch?v=V7NfZXwc45c
15 « John Berger and 93 other authors, film-makers, musicians and performers call for a cultural boycott of Israel » (2006) http://www.pacbi.org/etemplate.php?id=415
16 Déclaration des artistes en Suisse. Nous refusons d'être complices ! (2011) http://www.bds-info.ch/files/Upload_FR/Dokumente/Kampagnen%20(Nachrichten)/Kultur/110901_declarationArtistesSuisses.pdf
17 Déclaration de solidarité des artistes et acteurs culturels de Suisse avec la Palestine (2014) http://culturesuissegaza.over-blog.com/2014/09/declaration-de-solidarite-des-artistes-et-acteurs-culturels-de-suisse-avec-la-palestine.html
Questions fréquemment posées
Qu'est-ce que l'appel BDS et qu'est-ce que l'appel PACBI?
En 2005, la société civile palestinienne a lancé un appel pour une campagne de boycott, de désinvestissement et de sanctions contre l'État d'Israël jusqu'à ce qu'il se conforme au droit international et respecte les Droits des Palestinien-ne-s (l'appel BDS). Il faisait suite à un précédent appel adressé par des artistes et des intellectuel-le-s palestinien-ne-s (l'appel PACBI) à leurs collègues dans le monde pour qu'ils-elles boycottent les institutions culturelles et académiques israéliennes en solidarité avec les Palestinien-ne-s et refusent de présenter leurs oeuvres en Israël.1
Avec l’appel BDS, la société civile palestinienne demande que les « mesures de sanction non-violentes devraient être maintenues jusqu'à ce qu'Israël honore son obligation de reconnaître le droit inaliénable des Palestiniens à l'autodétermination et respecte entièrement les préceptes du droit international en :
- Mettant fin à son occupation et à sa colonisation de tous les terres Arabes et en démantelant le Mur;
- Reconnaissant les droits fondamentaux des citoyens Arabo-Palestiniens d'Israël à une égalité absolue; et en
- Respectant, protégeant et favorisant les droits des réfugiés palestiniens à revenir dans leurs maisons et propriétés comme stipulé dans la résolution 194 de l'ONU ».2
Comment les gens en Suisse ont-ils répondu jusqu'ici à ces appels ?
En 2011, pour dénoncer la vitrine offerte à Israël lors du festival Culturescapes Israël, le mouvement BDS-Suisse a écrit une lettre ouverte aux professionnel-le-s de la culture en Suisse3 pour les informer de cette campagne et appeler à leur solidarité. Suite à cette lettre, 170 artistes et travailleurs-euses de la culture en Suisse ont signé une déclaration de solidarité et un engagement à respecter le boycott.4
Est-ce qu'un boycott culturel ne limite-il pas la liberté d'expression?
Contrairement aux accusations régulièrement avancées contre le BDS, nous n'appelons nullement à imposer une quelconque limite à la liberté d'expression. Le boycott culturel d'Israël est précisément limité aux institutions afin, autant qu'il est possible, de ne pas interférer dans l'expression de la culture ni dans la diffusion des idées. Cependant, il importe de ne pas réduire la discussion sur l'impact culturel du boycott à la seule culture promue par Israël.
Premièrement, à Jérusalem Est et en Cisjordanie, des institutions culturelles sont régulièrement attaquées et perquisitionnées, des artistes sont empêché-e-s de voyager et l'accès à l'éducation et aux échanges professionnels est systématiquement nié. Plus encore, quand la société toute entière est l'objet d'attaques, cela touche également gravement les artistes. Ainsi, lorsqu'on parle de culture, nous ne devrions pas oublier cet effet additionnel, et lorsqu'on parle de la libre circulation des arts et de la culture, nous ne devrions pas perdre de vue la violence régulière, quotidienne et extraordinaire dont les Palestinien-ne-s font l'objet. Faire pression sur l’Etat d’Israël par le boycott culturel non seulement n'entrave pas la culture, mais peut aider les artistes victimes de graves attaques couvertes par le silence, et dont les droits à l'expression culturelle et à la liberté de parole sont niés jour après jour.5
De plus, le financement de la culture par Israël est hautement politique et raciste. Par exemple, en 2013, les subventions au théâtre arabe inscrites au budget israélien se sont élevées à moins de 0.06% du total des allocations accordées aux théâtres, alors que les Palestinien-ne-s représentent 20% des citoyen-ne-s.6 La nature raciste du subventionnement israélien des arts fait que l'allégation des responsables du Festival du film Locarno, en 2015, selon laquelle, en fournissant à Israël une vitrine, il démontre son engagement à être « un lieu de liberté d'expression [...] sans distinction d'ethnie, de confession, de nationalité »7, relève de la plaisanterie. En fait, les festivals qui refusent de collaborer avec les institutions israéliennes, auraient l'opportunité de découvrir un paysage culturel plus large et représentatif que celui qui leur est servi sur un plateau par les organes officiels.
Pourquoi refuser de se produire en Israël?
Le mouvement anti-apartheid des années 60 et 70 du siècle dernier a servi de modèle pour le boycott culturel d’Israël. Ahmed Kathrada, qui passa 26 années dans les prisons sud-africaines, s’exprimait ainsi en 1956 : « Les partisans du boycott international fondent leurs argumentaires sur le point de vue qu’à cette étape…les instigateurs/auteurs de racisme dans ce pays tirent leur force et leur courage de la proximité qu'ils ressentent avec le monde extérieur; par l’approbation quasi tacite et la reconnaissance qu'ils reçoivent des Pays occidentaux, en particulier sous forme de collaborations culturelles et sportives, économiques et militaires.».8
Il en va de même pour Israël. Malgré le maintien d'une occupation militaire brutale depuis bientôt 70 ans, malgré la discrimination raciale systématique et légale contre la population non-juive indigène de Palestine, malgré le non-respect de dizaines de résolutions promulguées par l'ONU pour mettre fin à cette liste sans fin de crimes de guerre commis par Israël9, malgré le refus de l’Etat d’Israël du respect du droit de retour des réfugié-e-s, malgré la purification ethnique massive de 1948, Israël, perpétue en toute impunité sa politique criminelle grâce au soutien inébranlable des états occidentaux et notamment par leur soutien financier, soutien politique, commerce et ventes d’armes, etc.
Face à cette situation, il est d’abord et avant tout du devoir des citoyen-ne-s des Etats qui protègent Israël, de soutenir la lutte des Palestinien-ne-s pour la défense de leurs droits en prenant des mesures contre « la reconnaissance et le consentement tacite » de l’Etat d’Israël de la part de l’Occident et cette « proximité … avec le monde extérieur ».
Mais n’est-il pas important pour des artistes de montrer leur travail en Israël ? Ne serait-il pas plus efficace d’aller à la rencontre du public israélien, de lui parler et lui apporter un message de paix et de conciliation plutôt que le boycott ?
Avant de se produire en Israël en 2006, Roger Waters (chanteur américain) écrivait : « J'ai beaucoup d’admirateurs en Israël, beaucoup d’entre eux sont des Refuzniks. Je n’exclus pas la possibilité d’aller en Israël même si je désapprouve sa politique étrangère, de même que je ne refuserais pas de jouer au Royaume-Uni parce que je désapprouve la politique étrangère de Tony Blair ».10
Pourtant, après sa visite des Territoires Occupés, il souligne : « À mon avis, le contrôle répugnant et draconien qu’Israël exerce sur les Palestiniens assiégés à Gaza et les Palestiniens en Cisjordanie occupée (incluant Jérusalem Est), ajouté au refus des droits des réfugiés à retourner dans leurs maisons en Israël, exige que les peuples du monde entier soutiennent les Palestiniens dans leur résistance civile et non violente… Pour moi, cela signifie de déclarer mon intention d'être debout dans la solidarité, non seulement avec le peuple palestinien, mais aussi avec les milliers d’Israéliens qui ne sont pas d'accord avec la politique raciste et coloniale de leur gouvernement, en rejoignant la campagne de boycott, de désinvestissement et de sanctions contre l’Etat d’Israël, jusqu'à ce qu'il respecte les droits humains fondamentaux exigés dans le droit international. » 11
De même, Macy Gray (chanteuse américaine), écrivait après son concert en Israël: « J’ai été confrontée à la réalité et je déclare que je n'aurais certainement pas chanté en Israël si j'avais su, même juste un peu, de ce que je sais maintenant. »12
Ce que l’on dit importe peu quand on le dit dans des conditions qui brouillent le propos et renvoient le message contraire. Vous ne pouvez pas déclarer votre soutien à des travailleurs et travailleuses en grève en franchissant la ligne de piquet de grève. De même, en dépit des bonnes intentions, se produire en Israël envoie au public israélien le message que Israël est normal, que ses bases racistes sont normales, que son racisme, son système discriminatoire et sa violence militaire sont acceptables et que vous ne soutenez pas la campagne palestinienne de défense des Droits civiques.
En outre, la politique raciste que l’Etat d’Israël exerce contre la population palestinienne jouit également d’un large soutien public à l’intérieur de l’Etat. Plus de 90 % de la population en Israël (sans compter les Palestinien-ne-s) a exprimé son soutien lors des derniers massacres effectués par Israël à Gaza13 et une majorité a dit aux enquêteurs qu'ils ne voulaient pas de voisins arabes.14 Il n'y a pas de moyens non-conflictuels de provoquer un changement social dans une situation où le racisme est si largement répandu. Apporter "un message de paix" au public israélien est un geste vide de sens qui sert seulement à flatter l'ego des artistes qui prétendent le faire. Un message de conscience est un message de solidarité avec les revendications palestiniennes et de solidarité avec le petit nombre d’Israélien-ne-s qui les soutiennent.
Les artistes israélien-ne-s sont souvent des dissidents et des critiques du gouvernement. Le boycott que vous préconisez n'attaque-t-il pas les mauvaises personnes, celles-là même qui, parmi les Israélien-ne-s, sont du bon côté?
Non, nous ne militons pas pour le boycott d'artistes pris individuellement, nous ne demandons pas que le Festival du film de Locarno supprime l'invitation aux cinéastes israéliens-ne-s. Nous appelons à rompre tout lien avec les institutions de l'apartheid, y compris les institutions culturelles qui se mettent volontairement au service de la propagande de l'État d'Israël. Les artistes israélien-ne-s ont le choix de refuser que leur art et leur nom soient utilisés pour créer une image positive de l'État; ils-elles sont invité-e-s à rejoindre les rangs du boycott, à l'instar d'un petit nombre d'entre eux-elles qui ont déjà fait le pas.
Quand bien même nous n'appelons pas au boycott d'artistes, il est hautement trompeur de présenter la scène artistique en Israël comme intrinsèquement progressiste et comme un allié de l'exigence de justice des Palestinien-ne-s. Seule une poignée d'artistes israélien-ne-s a adopté une position sans ambiguïté contre la violence incessante de l'État et pour l'égalité. Aucune institution culturelle israélienne ne l'a fait. En effet, cette fausse image, largement acceptée et répandue, de la culture israélienne est en elle-même un parfait exemple de la manière dont Israël utilise les arts et la culture pour s'acheter une image favorable dans le but de contrer les demandes de justice.
Beaucoup d'États violent ces droits et beaucoup d'artistes dépendent de subsides publics. Pourquoi alors, par exemple, ne pas boycotter les artistes suisses à cause des votations islamophobes?
Le boycott d’Israël répond à une demande de solidarité provenant des Palestinien-ne-s. C'est une tactique non-violente efficace et une forme de pression que les Palestinien-ne-s ont choisie, et non une tentative de notre part d'exprimer notre pureté morale. Le boycott de l'Afrique du Sud au temps de l'Apartheid n’était pas contesté parce que des abus de Droits humains étaient commis en Argentine durant la même période. Le boycott était la réponse apportée à l'appel à la solidarité lancé par la résistance sud-africaine. L'argument qui dit : “d'autres font la même chose ou pire”, ne sera jamais acceptable. Si tel était le cas, toute demande de justice devrait être reportée tant que toutes les infractions ne seraient pas mises sur le tapis et tant que les pires d'entre elles n'auraient pas été traitées en premier. Qui tirerait profit de cela sinon ceux et celles qui jouissent déjà d'impunité?
1 Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d'Israël (PACBI) http://www.pacbi.org/
2 Appel au Boycott, aux Sanctions et aux Retraits des Investissements contre Israel, http://www.bds-info.ch/files/Upload_FR/Downloads%20Broschueren/Andere/BDSappel_fr.pdf
3 BDS Suisse, Lettre ouverte Culturescapes Israel. Une vitrine pour l'apartheid en Suisse ? http://www.bds-info.ch/index.php?id=460&items=1043
4 BDS Suisse, Déclaration des artistes en Suisse. Nous refusons d'être complices !, http://www.bds-info.ch/index.php?id=460&items=1070
5 For example, see https://anthroboycott.wordpress.com/2016/05/08/violating-the-right-to-education-for-palestinians-a-case-for-boycotting-israeli-academic-institutions/
6 Haaretz.co.il, 22th May 2015. http://www.haaretz.co.il/gallery/black-flag/.premium-1.2640239
7 Article du quotidien Le Temps suite à la conférence de presse BDS au Festival du film Locarno https://www.letemps.ch/culture/2015/08/07/films-indesirables
8 Ben White, Apartheid and Cultural Boycott, http://www.bacbi.be/pdf/BWhite.pdf
9 Haaretz, "Study: Israel Leads in Ignoring Security Council Resolutions", http://www.haaretz.com/study-israel-leads-in-ignoring-security-council-resolutions-1.31971
10 The Guardian, "Palestinian plea to Floyd's Waters", https://www.theguardian.com/world/2006/mar/09/israel.artsnews
11 Roger Waters, " Tear down this Israeli wall", https://www.theguardian.com/commentisfree/2011/mar/11/cultural-boycott-west-bank-wall
12 IPSC, "2011 Successes of the Cultural Boycott of Apartheid Israel", http://www.ipsc.ie/press-releases/2011-successes-of-the-cultural-boycott-of-apartheid-israel
13 The Guardian, "Israeli polls show overwhelming support for Gaza campaign", https://www.theguardian.com/world/2014/jul/31/israeli-polls-support-gaza-campaign-media
14 Haaretz, "Poll: Most Israeli Jews Believe Arab Citizens Should Have No Say in Foreign Policy", http://www.haaretz.com/israel-news/poll-most-israeli-jews-believe-arab-citizens-should-have-no-say-in-foreign-policy-1.327972