Les crimes de guerre deviendraient-ils contre-productifs pour le business des armes israéliennes ?
Categories: Embargo militaire
Voici un article de Michael Deas, publié dans Electronic Intifada et traduit en français par info-palestine.eu :
Les entreprises d’armement israéliennes font la promotion de leurs produits comme « testés en combat ». le choix des termes suggère que la capacité d’Israël à tester des armes sur les Palestiniens est devenue un argument de vente.
Un tel stratagème était à l’œuvre à la suite de l’attaque de 51 jours d’Israël sur Gaza l’année dernière. Une fois que l’agression s’était interrompue, l’industrie de l’armement d’Israël s’est précipitée pour essayer d’impressionner les clients potentiels en leur disant que la nouvelle technologie de drone avait été mise à l’épreuve durant l’attaque.
Tout en reconnaissant que l’efficacité meurtrière de leurs armes peut avoir rempli les carnets de commandes des entreprises d’armement israéliennes dans un passé récent, il semble maintenant que l’opposition croissante du public à l’oppression brutale des Palestiniens est en train de toucher de plein fouet les exportations militaires israéliennes.
Les dirigeants des quatre plus grandes entreprises d’armement d’Israël ont écrit au Premier ministre Benjamin Netanyahu pour lui notifier que les exportations militaires israéliennes ont diminué, passant de 7,5 milliards de dollars en 2012 à 5,5 milliards en 2014. Ces exportations pourrait tomber aussi bas que 4 milliards de dollars cette année, si l’on se réfère à leur courrier.
Les marchands d’armes parlent nommément d’un « moindre désir pour les produits made in Israël » comme l’un des facteurs à l’origine de cette baisse spectaculaire. Une réunion d’urgence avec Netanyahu a cherché à répondre à ce qu’ils présentent comme « une crise importante pour les industries de la défense. »
Cela semble être un aveu qu’au moins certains gouvernements de la planète sont de plus en plus réticents à acheter des armes israéliennes.
Pression de la campagne BDS
Au cours des dernières années, la campagne internationale pour le boycott, le désinvestissement et les sanctions (BDS) contre Israël a exercé une pression considérable sur les gouvernements et les entreprises pour mettre fin à leur coopération avec le complexe militaro-industriel de l’État sioniste.
Les gouvernements de la Norvège et de la Turquie ont tous deux restreint leur commerce des armes avec Israël au cours des dernières années, bien que des failles ont permis à une partie de ce commerce de se poursuivre d’une façon masquée.
L’exigence de mettre fin à la fois aux exportations d’armes et aux importations en provenance d’Israël était un élément clé des mobilisations massives qui se sont produites lors de l’attaque de 51 jours sur Gaza l’année dernière.
Durant cette période, le gouvernement espagnol a suspendu les exportations d’armes vers Israël et le gouvernement du Royaume-Uni a revu ses licences d’exportation d’armes.
Aucune de ces étapes ne s’est matérialisée dans des changements politiques durables, mais le fait que ces gouvernements aient estimé nécessaire de tenir compte de l’inquiétude du public était certainement significatif.
En avril de cette année, la banque britannique Barclays s’est désinvestie de la société d’armements israélienne Elbit Systems, suite à une campagne de grande envergure qui a organisé des protestations et des actions directes dans ses succursales dans plus de 15 villes.
Un certain nombre d’autres banques européennes et de fonds de pension ont également cédé leurs avoirs dans Elbit, suite à une campagne internationale menée par le groupe palestinien Stop The Wall.
Le Royaume-Uni, la France et certains autres États européens ont décidé de ne pas prendre part à une foire militaire à Tel-Aviv plus tôt cette année.
En 2014, le gouvernement régional du Rio Grande do Sul au Brésil a abrogé un projet de recherche à grande échelle avec Elbit.
Des usines Elbit ont été bloquées à plusieurs reprises par les militants.
Bien qu’il reste encore un très long chemin à parcourir, le mouvement BDS est en train de remettre en question la coopération militaire internationale avec Israël.
Compte tenu des plaintes au sujet de la baisse des ventes des exportateurs israéliens, il n’est peut-être plus exagéré de dire que désormais la campagne BDS et l’évolution de l’attitude du public font qu’il est plus difficile pour Israël d’exporter les armes qu’il teste sur les Palestiniens.
Aider la répression
Le Comité national palestinien BDS, la coalition de groupes qui anime le mouvement BDS, a publié un nouveau matériel pour une campagne en faveur d’un embargo militaire sur Israël.
Il y est décrit comment la coopération avec le complexe militaro-industriel israélien aide l’État sioniste à maintenir son régime d’oppression et facilite la répression brutale de la résistance populaire par les Palestiniens vivant sous son système d’apartheid.
Les États-Unis fournissent un paquet d’aide militaire depuis dix ans pour Israël, ce qui représentera 30 milliards de dollars de 2009 à 2018. Les exportations d’armes de l’Union européenne vers Israël ont totalisé 983 millions d’euros (1 milliard de dollars) entre 2012 et 2013.
Bon nombre des Palestiniens tués par les forces israéliennes au cours de la vague actuelle de résistance populaire sont tués par des armes importées de plusieurs pays à travers le monde.
Pourtant, le problème est beaucoup plus profond que cela.
Les quatre entreprises militaires qui ont écrit à Netanyahu pour demander plus d’aide du gouvernement - Elbit, Israel Aerospace Industries, Rafael et Israel Military Industries - sont des composantes clés du système d’apartheid d’Israël.
Ils contribuent à armer l’armée israélienne et lui fournissent les drones utilisés pour attaquer les civils palestiniens. Ils participent aussi à la gestion des barrages militaires, du mur d’apartheid en Cisjordanie, de la base de données qui recense toute la population palestinienne et des systèmes de surveillance qui composent l’infrastructure du système d’apartheid d’Israël.
Incitation à la violence
La capacité de ces entreprises à profiter des opérations militaires israéliennes pour tester leurs produits et gagner des marchés pour leurs exportations militaires, représente un puissant incitatif financier pour la poursuite de l’oppression et de la violence.
On estime qu’un Israélien sur 10 est financièrement dépendant de l’industrie militaire, ce qui signifie qu’il y a une part croissante de la société israélienne dont les intérêts dépendent directement du militarisme israélien.
Lorsque les gouvernements de la planète achètent des drones et d’autres technologies à ces sociétés, ils aident Israël à compenser les coûts de son régime d’oppression et lui envoient le message selon quoi la poursuite de ses crimes de guerre est une bonne chose pour les affaires. Ils donnent à Israël un feu vert pour mener à bien d’autres crimes de guerre.
Pourtant, tout cela signifie aussi que toute baisse persistante de ses exportations d’armes représente un véritable défi pour Israël.
Au moins aux États-Unis et en Europe, les campagnes populaires pour un embargo militaire se heurtent souvent au problème qu’il semble irréaliste de défier les gouvernements pour qu’ils mettent fin à leur commerce des armes avec Israël, puisque leur soutien à Israël semble si puissant.
Pourtant, cette lettre des marchands des canons israéliens semble suggérer que les militants et l’opinion publique peuvent avoir un plus grand impact sur les gouvernements qu’on ne le pensait.
Cibler les relations militaires avec Israël ne se limite pas à exiger des embargos. Les militants peuvent essayer de pousser les banques, les fonds de pension, les universités et les sociétés telles que Hewlett-Packard et G4S à couper leurs liens avec l’industrie israélienne de l’armement.
Il faut souligner que les liens militaires avec Israël ne se font pas seulement au détriment des Palestiniens.
Israël et ses entreprises d’armement forment et arment les escadrons de la mort en Amérique latine et les forces de police, de Ferguson à Londres.
Ils vendent leur expertise militaire aux dictatures en Asie et en Afrique et travaillent avec les agences frontalières aux États-Unis et en Europe pour assurer que les réfugiés soient cruellement traités.
Les drones remplissent une fonction clé dans le siège et les attaques répétées d’Israël sur Gaza, ainsi que pour la surveillance de la Cisjordanie.
Donc, il n’est peut-être pas surprenant que Israël soit un facteur clé de la prolifération des drones. Il a fourni 60,7% des drones dans le monde depuis 1985.
Israël non seulement viole les droits des Palestiniens, mais il exporte aussi l’idéologie et de la technologie qui sous-tendent son oppression.
Les campagnes de solidarité contre les liens militaires avec Israël ne posent pas seulement un défi direct au militarisme israélien, ils fournissent aussi une très forte opportunité d’agir avec d’autres forces progressistes afin de parvenir à une paix véritable et à la justice à travers le monde.
Photo : ActiveStills/Yotam Ronen
* Michael Deas est le coordinateur pour l’Europe du Comité national palestinien BDS, la coalition de la société civile palestinienne qui opère en tant que référence palestinienne du mouvement BDS contre Israël tant que se dernier ne se conformera pas à la législation internationale.
Du même auteur :
Belle expérience syndicale de solidarité avec la Palestine - 28 juillet 2013
30 octobre 2015 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
https://electronicintifada.net/cont...
Traduction : Info-Palestine.eu - Lotfallah