Boycott contre blocus - Le Courrier (Genève)
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«La flottille a déjà fait reculer Israël»
par Sébastien Brulez
PALESTINE • En 2010, neuf personnes avaient péri en tentant de briser le blocus de Gaza. Alors que se prépare une deuxième flottille, David Segarra défend l’initiative.
Dix navires de plusieurs pays sont prêts à participer à la nouvelle flottille pour Gaza, qui devrait prendre le départ de ports méditerranéens cette semaine. Comme l’an dernier, l’objectif est tant d’apporter de l’aide humanitaire à ce territoire palestinien que de dénoncer symboliquement l’embargo d’Israël contre cette petite frange de terre surpeuplée. Rappelons que si le passage de Rafah entre Gaza et l’Egypte a été rouvert aux personnes, les biens matériels demeurent soumis à un strict rationnement de la part des autorités israéliennes.
Comme l’an dernier également, le caractère hautement symbolique de l’opération fait craindre une intervention armée israélienne contre les humanitaires. Le 31 mai 2010, des commandos de marine israéliens avaient lancé, en dehors des eaux territoriales, une opération contre le Mavi Marmara, navire amiral de la petite flotte internationale qui tentait de rallier le territoire palestinien. Huit passagers turcs et un Etasunien avait étés tués par les soldats israéliens.
Embarqué sur cette première flottille avec quelque 700 autres militants et journalistes, le réalisateur espagnol David Segarra vient de présenter son documentaire Feu sur le Marmara, sur la chaîne latino-américaine TeleSur et dans plusieurs villes espagnoles. Privé de ses images par l’armée israélienne après l’attaque, M. Segarra a parcouru l’Europe et la Turquie à la recherche de témoignages pour reconstruire le puzzle de la flottille. Le Courrier l’a rencontré à Caracas, où il vit actuellement. Il témoigne de l’importance de cette action de solidarité internationale contre le blocus.
La première flottille n’est pas parvenue à Gaza. Peut-on en tirer du positif?
David Segarra: Les médias ont minimisé, pour ne pas dire passé sous silence, les énormes avancées qu’a obtenues la flottille. Souvenez-vous que quelques heures après l’attaque, la dictature égyptienne (le régime de Moubarak, aujourd’hui heureusement déchu) n’a pas supporté la pression de son opinion publique ni la pression internationale et a ouvert amplement la frontière de Gaza pour la première fois en trois ans. Des dizaines de milliers de Palestiniens ont pu sortir pour aller étudier, travailler, se faire soigner, et ont pu aussi entrer, pour retrouver leurs familles. Donc les répercutions ont été énormes. Quelques jours plus tard, Israël a réduit sa liste de milliers de produits interdits d’entrée à Gaza et laissé passer plusieurs cargaisons. Aujourd’hui beaucoup de produits continuent d’être interdits mais peut-être qu’avec la seconde flottille, Israël en libérera encore quelques uns, et avec la troisième un peu plus, avec la quatrième encore plus et peut-être qu’à la cinquième nous mettrons fin au blocus.
Comment évaluez-vous la couverture médiatique de la première flottille?
Une semaine avant son départ, tous les médias internationaux étaient informés. Ils savaient que quelque chose d’historique se déroulait. Et malgré tout, la grande majorité des médias européens et nord-américains n’ont commencé à en parler pratiquement que la veille de l’attaque. Mais cela reflète quelque chose d’intéressant: c’est que le monde d’aujourd’hui n’est plus le monde d’il y a dix ou quinze ans. Les puissances périphériques, qu’on appelle du Sud, ont de plus en plus de poids. Et cela se reflétait aussi dans les médias: CNN, BBC, la télévision française, espagnole, n’étaient pas intéressées par la flottille. Par contre TeleSUR, AlJazeera, PressTV, des télévisions arabes, africaines, asiatiques, étaient présentes! Il y avait là plus de quarante médias internationaux, de tous les pays du monde sauf d’Europe et des Etats-Unis. Cela reflète qu’aujourd’hui il est impossible de passer sous silence de tels événements. L’information ne dépend plus exclusivement de l’Occident, il y a une certaine diversité médiatique dans le monde.
Mais la flottille passera aussi probablement dans l’histoire comme l’une des pires attaques de la presse. Un photographe a été assassiné d’une balle en pleine tête. Un caméraman indonésien a été blessé par balle. Plus de quarante médias internationaux ont été privés de tout leur matériel, censurés, malmenés, détenus, mis en prison. Dans mon cas j’ai perdu les 99% de mon matériel parce que l’armée israélienne a réquisitionné le matériel de tous les participants, pas seulement des médias professionnels mais aussi tous les appareils photos, caméras, ordinateurs, etc. Il y avait une très forte volonté de faire taire, de passer les faits sous silence.
Votre documentaire ne parle pas que de la flottille, c’est aussi l’histoire des participants et celle de Gaza en général.
Je me suis attelé à ce projet dès le lendemain de l’attaque. Tout au long de cette année, j’ai essayé de comprendre le pourquoi de cette flottille. J’ai surtout essayé d’approfondir les motifs pour lesquels 700 personnes ont risqué leur vie et leur liberté pour aider des gens qu’ils ne connaissaient pas. Et je me suis rendu compte que beaucoup d’entre eux, Palestiniens, Israéliens, Chiliens, etc., proviennent de familles qui ont connu la répression ou l’exil. Pour eux il est intolérable de vivre normalement en sachant qu’ailleurs on continue de réprimer.
Je voulais aussi réfléchir sur le cycle de la violence qui apparemment se reproduit éternellement dans l’histoire des êtres humains et qui, lors de cette flottille, d’une façon peut-être «miraculeuse» – en tout cas intéressante – s’est arrêté. Du côté des activistes, ce cycle de la violence a été freiné. Il l’a été dans le sens où, alors que les commandos attaquaient avec leurs unités d’élites des activistes désarmés, alors qu’ils étaient en train de tuer et de blesser avec leurs armes, les gens se sont défendus activement, ils ont pris des bâtons, etc., tout ce qu’ils pouvaient trouver pour se défendre. Mais la grande différence c’est que des soldats désarmés et immobilisés par les activistes ont été soignés, protégés et personne ne les a malmenés. Cela montre qu’à un certain moment, le cycle de la violence peut être stoppé. I
Boycott contre blocus
«Jusqu’à ce qu’Israël respecte le droit international et reconnaisse les droits légitimes des Palestiniens», une pétition appelle la grande distribution suisse à cesser de vendre des produits en provenance de l’Etat hébreux et de ses colonies. Dans le cadre de la campagne internationale lancée en 2005 en soutien à la population civile palestinienne, le BDS suisse (Boycott Désinvestissement Sanctions) enjoint plus particulièrement Coop et Migros à faire preuve de «souci éthique» tant qu’Israël n’aura pas mis fin à l’occupation de la Palestine et levé le blocus de Gaza.
De son côté, Migros estime ne pas devoir se prononcer sur le conflit israélo-palestinien. D’autant que «le boycott atteint les mauvaises personnes en rendant la situation des agriculteurs encore plus difficile qu’elle ne l’est déjà», explique la porte-parole Monika Weibel. Quant à Coop, la société «ne veut pas paternaliser ses clients». La provenance des marchandises étant affichée, il appartient au consommateur de se positionner, estiment les deux entreprises.